Publication scientifique libre, par Richard Stallman
De nombreux scientifiques se rendent compte à présent des problèmes que posent la publication scientifique restreinte et du contrôle qu’elle opère sur l’utilisation des publications scientifiques. Dès 2002, l’Initiative de Budapest pour l’accès ouvert (BOAI: Budapest Open Access Initiative) appelait à appliquer les deux principes suivants à toute publication scientifique : accès pour tous au site principal de publication, liberté de redistribution pour tous.
Ce second principe est le plus fort. En pratique, il inclut le premier : si chacun a la liberté de redistribuer des exemplaires des articles, alors les bibliothèques universitaires distribueront des copies des articles, ce qui les rendra accessibles pour tous. Cependant, le terme «accès ouvert (open access)» ne porte explicitement que sur le premier principe, le plus faible, et pas sur le second. Cela peut en faire un concept faible.
J’avais des doutes au sujet du terme «accès ouvert», ayant constaté par ailleurs de quelle manière certains partisans du «code ouvert (open source)» utilisaient le mot «ouvert» pour minimiser l’importance du souci de la liberté des utilisateurs propre au mouvement du logiciel libre. Mais j’ai mis mes doutes de côté parce que sur le fond la proposition était correcte, donc j’ai signé la déclaration de la BOAI.
Hélas, mes appréhensions étaient justifiées. Les politiques mises en avant à l’heure actuelle oublient souvent le second principe, le plus important : elles mentionnent l’accessibilité mais pas la liberté de redistribuer ni d’ailleurs celle de ré-utiliser autrement les travaux. Par exemple, un projet de loi aux USA en 2013 impose l’accès gratuit aux productions académiques de la recherche subventionnée par l’état, mais oublie d’exiger la liberté de les redistribuer. Un tel projet représente une avancée mais le point principal a été abandonné, à l’évidence parce que la campagne s’était concentrée sur l’idée d’«accès ouvert».
PLOS : exemple de publication de recherche revue par les pairs permettant la réutilisation du contenu des articles scientifiques – y compris les images.
Entre-temps, Michael Eisen, de la Public Library of Science, en 2012, m’a convaincu de l’importance pour la science de la modification et des combinaisons d’articles scientifiques. Auparavant, je pensais que la reproduction du texte non modifié constituait un droit suffisant pour ces œuvres, mais maintenant je pense qu’elles doivent être libres selon l’idée de liberté, donc avec les mêmes quatre libertés qui définissent le logiciel libre.
Il nous faut insister sur la «publication scientifique libre», choisir des mots qui mettent l’accent sur le principe fort de liberté pour les utilisateurs, résister à la tendance à l’affaiblissement des objectifs.
par Richard Stallman
traduction en français revue par l’Adte
version originale anglaise
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