Un étudiant, salarié d’ une association étudiante qui utilise des logiciels libres, a accepté de répondre à nos questions, mettant en lumière à la fois l’intérêt des logiciels libres pour les étudiantes et étudiants et l’apathie ambiante qui représente un défi à relever.
Qu’est-ce que la SOGÉÉCOM ?
La SOGÉÉCOM est la Société générale des étudiantes et des étudiants du Collège de Maisonneuve,. membre de l’ASSÉ.
Quel est votre rôle à la SOGÉÉCOM ?
Je suis engagé à titre de gestionnaire de réseau informatique. Je m’occupe principalement de maintenir un serveur central et une douzaine de postes informatiques, le tout sur Debian GNU/Linux. Je fais également de la formation et des ateliers d’introduction. J’ai ainsi récemment donné un atelier sur le graphisme avec des logiciels libres dans lequel j’ai montré à utiliser Scribus, Gimp et Inkscape à une vingtaine de personnes.
La partie formation est très importante pour notre association. En effet, il est bien beau d’avoir des logiciels libres qui fonctionnent bien, mais si personne ne les utilise cela n’est pas très utile. Il était donc important lors de la création de mon poste de s’assurer que la personne engagée pourrait également offrir de la formation aux étudiantes et aux étudiants du Collège ou aux personnes désirant de l’aide.
Pourquoi avoir choisi d’utiliser des logiciels libres de préférence à d’autres ?
Il y a près d’un an, la SOGÉÉCOM a adopté en assemblée générale une politique de logiciels libres. Cette dernière – disponible en ligne à la fin des Statuts et Règlements de l’association – stipule que lorsqu’il existe une alternative libre « fiable et efficace », la SOGÉÉCOM se doit de l’utiliser et d’en faire activement la promotion. Les logiciels sous la licence GNU GPL sont priorisés.
Il y a plusieurs raisons derrière la décision de n’utiliser que des logiciels libres. Comme la SOGÉÉCOM se bat contre la marchandisation du savoir, le fait d’utiliser et de promouvoir des logiciels qui permettent à tous et à toutes de les utiliser, de les modifier et de les redistribuer a beaucoup de sens. De plus, comme la SOGÉÉCOM milite pour des causes politiques progressistes, l’aspect sécuritaire des logiciels libres nous semble également important.
Quels sont les logiciels que vous utilisez ?
À part Debian GNU/Linux comme système d’opération, pour contrôler les différents postes informatiques de manière centralisée, j’utilise Puppet. Sur tous nos ordinateurs, on retrouve les programmes suivants. Ce sont ceux qui sont le plus fréquemment utilisés :
- La suite LibreOffice
- GIMP
- Scribus
- Inkscape
- Firefox
La SOGÉÉCOM a récemment offert une formation sur le graphisme libreLa population étudiante en général est-elle intéressée par les logiciels libres ?
- Ces logiciels libres de graphisme sont pratiques pour faire du matériel d’information et des affiches. Leur accessibilité permet à toutes et à tous de participer aux tâches de graphisme. De plus, les formats ouverts permettent de créer du matériel pérenne. À ce titre, la SOGÉÉCOM maintient un site de partage : La Totale. Cela permet à toutes les associations étudiantes de s’échanger des fichiers et réduire le travail nécessaire pour faire des affiches et des tracts, sans réduire la qualité totale du matériel produit.
- De plus, l’exécutif de l’association s’organise avec Owncloud et Roundcube.
La population étudiante en général n’est pas suffisamment sensibilisée aux logiciels libres. Et c’est bien là la difficulté pour introduire les logiciels libres dans l’enseignement supérieur… Elle utilise les mêmes logiciels non libres (Windows, Microsoft Office, Adobe Photoshop, etc.) depuis qu’elle utilise des ordinateurs, et pour cause ! Depuis l’enfance, la majeure partie des logiciels sur lesquels nous travaillons sont des logiciels non libres : les grandes entreprises ont semé leurs graines. Les écoles primaires et secondaires se font parfois donner des licences de ces logiciels dans le but de «fidéliser» une clientèle le plus tôt possible. Il est alors assez difficile de changer les habitudes ainsi créées
Voyez-vous le libre de plus en plus utilisé au Collège de Maisonneuve ?
Malgré ce que je viens tout juste d’affirmer sur l’apathie générale de la population étudiante vis-à-vis du libre, je vois de plus en plus des logiciels comme la suite LibreOffice sur les portables des étudiant-e-s, et ce à Maisonneuve mais également dans d’autres cégeps et universités. Je crois que LibreOffice, tout comme Mozilla Firefox d’ailleurs, est un excellent exemple d’un logiciel libre n’ayant absolument rien à envier à ses concurrents non libres. Les personnes qui utilisent ces logiciels le font souvent parce qu’ils sont bien faits, faciles à utiliser, fonctionnent sur de multiples plateformes et sont gratuits, sans avoir toujours conscience parce qu’ils sont libres. C’est pourquoi il est nécessaire d’effectuer un travail d’éducation et de formation sur la nature des logiciels libres.
Que pensez-vous des choix logiciels que font les administrations dans le milieu de l’éducation supérieure ?
Ce sont des sommes importantes qui sont dépensées dans l’ensemble de la fonction publique et parapublique pour défrayer les licences de logiciels qui ne confèrent pas de liberté aux utilisatrices et utilisateurs de l’informatique. En utilisant des logiciels libres, les sommes épargnées pourraient être utilisées à meilleur escient. De plus, la possibilité de modifier, d’adapter et d’améliorer un logiciel libre est de nature à donner du travail à des informaticiennes et informaticiens d’ici qui pourraient participer aux communautés du libre L’accessibilité aux études supérieures bénéficierait de l’utilisation de logiciels libres.
L’utilisation « à tout prix » de logiciels non libres mène les administrations à faire des choix qui peuvent les enfermer dans un cercle vicieux de licences limitatives et de services privés onéreux, au lieu de collaborer pour certains de leurs besoins dans le domaine du logiciel libre où les licences sont en principe illimitées. Bref, à mon avis les administrations – collégiales et universitaires – ont beaucoup de progrès à faire en ce qui a trait au logiciel libre. À nous de les y aider en convainquant la population étudiante des bienfaits du logiciel libre.
Louis-Philippe Véronneau, étudiant salarié, Sogéécom, Collège de Maisonneuve. Questions posées pour Logilibre par Jérôme Charaoui
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