En abordant récemment à San Francisco la question des brevets en matière de logiciels, Richard Stallman est monté sur scène et a enlevé ses chaussures… «Ne mettez pas ma photo sur Facebook» a-t-il ajouté d’entrée de jeu… Au delà de l’aspect coloré du personnage, Richard Stallman est un authentique penseur qui déclare en somme que breveter les logiciels, c’est comme breveter la pensée et c’est faire obstacle au progrès.
La journaliste Christina Farr a publié le 12 novembre 2013, dans VentureBeat (VB), un article sous le titre “Free Software Guru Richard Stallman: Patents are crushing us”, dont voici le lien original.
Nous en avons fait la traduction en français (à partir d’une ébauche de Bing) pour Logilibre. Ce billet, par conséquent, n’est pas sous licence Creative Commons CC BY SA : tous les droits de reproduction sont réservés.
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SAN FRANCISCO — Richard Stallman monte sur la scène, passe ses doigts dans sa barbe mouchetée de gris et enlève tranquillement ses chaussures.
Ce n’est pas un début habituel pour un discours à une conférence technologique, mais ce n’est pas inattendu de la part de Stallman, l’activiste, le développeur de logiciels et le fondateur au franc-parler de la Free Software Foundation.
Il peut sembler à la mode aujourd’hui de se faire le champion d’un Internet en libre accès qui respecte toutefois la vie privée, en particulier à la suite des révélations «scandaleuses» sur les efforts d’espionnage du gouvernement américain. Mais Stallman a engagé ce combat depuis plusieurs décennies. Dans le milieu des années 80, il a annoncé un des projets de logiciels libres les plus ambitieux à ce jour. Il a soigneusement développé — et puis a donné [à l’humanité – note du traducteur] — un système d’exploitation GNU complet, compatible avec Unix, gratuit pour toute personne qui pourrait l’utiliser.
À peine s’est-il dirigé vers la scène, que le public de développeurs à DevBeat, où Stallman a prononcé un discours d’ouverture cet après-midi sur les inconvénients des brevets sur les idées logicielles, commence à prendre des photos du célèbre informaticien. Stallman entend les flashes et cérémonieusement protège ses yeux.
Ensuite, il a demandé poliment que personne ne publie sa photo sur Facebook, qu’il appelle un «moteur de surveillance monstrueux» ni sur Instagram. Il a également demandé qu’aucune vidéo ne soit téléchargée sur YouTube, ou distribuée dans Adobe Flash, afin de le protéger contre «Big Brother». Et il a demandé aux personnes présentes de supprimer les données de géolocalisation de toutes les photos qu’ils publieraient. [Ndlr : nous l’avons fait.]
Stallman croit avec véhémence que logiciel devrait être libre et traité avec la même révérence que la liberté d’expression. Il le considère comme une forme humaine et essentielle de droit d’expression. Ne comparez pas ses convictions au mouvement «open source», ou vous aurez une forte réaction de sa part.
«L’open source est une méthodologie de développement ; le logiciel libre est un mouvement social,» selon Stallman qui s’exprimait ainsi dans un billet récent.
Mais l’open source n’est pas l’ennemi — loin de là. Stallman a une cible beaucoup plus importante : le système américain des brevets. Il s’est donné la mission d’invalider le «brevet d’idée logicielle», il croit que c’es tun frein à la créativité et que cela confère à certains grandes entreprises un avantage indu.
Stallman a parlé longuement des inconvénients de cette législation; à un moment donné, il s’est mis à philosopher sur le fait que la musique classique, à l’époque de Beethoven et Bach, aurait pu être empêchée si elle avait été confrontée à tels brevets.
Il n’a pas été facile de reprendre en détail son argumentation, qui est vaste et complexe. Mais j’y ai mis l’énergie nécessaire. Voici les raisons les plus impérieuses de Stallman pour révoquer les brevets logiciels :
- Les brevets logiciels n’ont rien à voir avec un code spécifique ; ils protègent une idée; ce qui rend très difficile de cerner les brevets pertinents que quelqu’un — ou certaines entreprises — pourrait utiliser pour vous poursuivre en justice ou pour menacer la survie de toute nouvelle entreprise.
- GLes grandes entreprises — pas les développeurs indépendants — ont généralement les ressources nécessaires pour déposer une cargaison de brevets d’idées logicielles. Des géants des Tech comme IBM, Apple et HP sont propriétaires de douzaines de brevets et de licences croisées entre elles, ce qui rend la compétition difficile à de plus petits fournisseursr.
- Même si vous déposez un brevet pour vous défendre vous-même ou une idée, il est relativement facile pour un attaquant bien financé de percer des trous dans cette défense.
- C’est coûteux pour une entité plus petite de se protéger d’un consortium d’entreprises dotées d’équipes juridiques internes. «Nous ne pouvons pas contribuer à la société si nous devons payer tant de choses pour ce faire», dit Stallman.
- Les produits logiciels et matériels les plus innovants sont souvent une combinaison unique d’idées qui existent déjà. Le système des brevets empêche les développeurs de logiciels de prendre une idée et de la pousser plus loin. «Mettre en oeuvre les idées ensemble est en fait la partie la plus difficile», a-t-il dit. Même le meilleur programmeur ne peut pas réinventer la programmation à partir de zéro et faire quelque chose qui est utile, a soutenu Stallman.
- Compte tenu de la quantité de brevets, il est devenu beaucoup trop facile pour les développeurs indépendants et fondateurs d’entreprises d’être poursuivis en justice, même s’ils sont extrêmement vigilants quant à la propriété intellectuelle. En effet, certaines demandes de brevet sont dissimulées jusqu’à 18 mois. «Il est difficile de trouver les brevets qui pourraient attaquer votre projet», a dit Stallman.
Au cours de son discours, il est devenu clair que Stallman n’est pas un fan des brevets pour tous les secteurs. Cependant, il croit que les brevets sont particulièrement dangereux pour l’industrie du logiciel.
«Les gens posent parfois des questions relatives aux autres domaines auquels s’appliquent des brevets depuis des décennies,» dit-il. Stallman n’embarque pas dans cet argument, car «tous les domaines ne doivent pas être traités de la même façon.»
« En fin de compte, le système des brevets est une approche erronée pour le logiciel car il repose sur l’hypothèse qu’il y a une pénurie d’idées », a-t-il conclu.
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Pierre Cohen-Bacrie
Adte, président
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