« Et quand ce ne serait qu’un mot [liberté], c’est quelque chose, puisque les peuples se lèvent quand il traverse l’air. » Lorenzaccio, Alfred de Musset.
Il y a paradoxalement encore de la confusion entre des fonctions logicielles et des noms de marque privées omniprésentes (traitement d’images = Photoshop, suite bureautique = Microsoft Office, création de PDF = Adobe), et, en même temps, le contexte est favorable à porter une attention accrue aux logiciels libres.
On parle des logiciels libres – en pour ou en contre, trop souvent en indifférence -, mais qui pourrait les définir avec précision ?
Qu’est-ce qu’un logiciel libre (source : The Free Software Definition, Free Software Foundation) ?
– Ce n’est pas nécessairement un logiciel gratuit (on a le droit de demander des frais pour une distribution, même si on a obtenu le logiciel gratis ; c’est ce qu’a fait Red Hat avec Linux);
– Ce n’est pas un logiciel d’utilisation permise pour but non-lucratif mais prohibée pour le commerce : la liberté n’est pas discriminante;
– C’est un logiciel qui répond à une condition préalable : que l’accès au code source soit ouvert;
– Ceci étant entendu, voici les quatre éléments que l’on doit retrouver dans un logiciel pour le dire libre :
- Liberté 0 : la liberté d’exécuter le programme, pour toute fin;
- Liberté 1 : la liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de le modifier pour lui faire faire ce que vous souhaitez;
- Liberté 2 : la liberté de redistribuer des copies, donc d’aider votre voisin;
- Liberté 3 : la liberté de distribuer des copies de votre version modifiée à d’autres personnes. En faisant cela, vous donnez à l’ensemble de la communauté l’opportunité de bénéficier de vos modifications.
– Comme corollaire, les auteurs du logiciel libre en font un bien public et, ce, de manière perpétuelle. Le code est donné de manière irrévocable à l’humanité. On voit là toute la différence d’avec un logiciel que ses auteurs auraient simplement rendu provisoirement gratuit dans une version allégée pour mieux attirer la clientèle vers une version plus complète, payante et dont le code source des deux versions est caché, donc non utilisable librement, non modifiable et non redistribuable librement.
Le logiciel libre correspond donc à une vision plus large que la simple gratuité, car, en rendant les citoyens en quelque sorte co-dépositaires de ce patrimoine collectif, il empêche toute entrave à la liberté d’utilisation, de modification et de diffusion, d’où qu’elle puisse venir.
Il reste que, même si son utilisation normale dans une organisation entraîne des frais comme l’utilisation de tout autre logiciel, le logiciel libre est aussi la plupart du temps gratuit (pas de frais de licence).
De ce point de vue, il représente une opportunité pour le domaine de l’éducation, permettant aux étudiants de se procurer sans frais des versions en leur langue et multiplateformes de logiciels libres performants, pour autant que leur institution d’enseignement s’en préoccupe.
On comprend alors le souhait récemment formulé par le Gouvernement du Québec de tenir compte des logiciels libres dans l’éducation.
Sans faire des logiciels libres une panacée, il convient de s’informer des principes qui sous-tendent ce mouvement, principes auxquels on peut adhérer, envers lesquels on peut faire montre d’esprit critique, mais qu’il faut bien connaître pour ce faire.
C’est dans cette perspective que je vous propose de lire cette Charte pour l’innovation, la créativité et le transfert des connaissances, dont j’ai remanié la traduction en français et qui est appuyée, entre autres, par Richard Stallman, fondateur de la Fondation pour le logiciel libre (Free Software Foundation). Cette charte a le mérite d’expliciter les choix et la vision du libre, en allant parfois plus loin dans la direction de la liberté de pensée et de communiquer, en allant jusqu’à la notion de culture libre et en formulant au passage des propositions sur l’éducation.
En y réagissant par vos commentaires, vous permettrez à la communauté de progresser dans le débat autour des logiciels libres et de le faire en meilleure connaissance de cause, ce qui est aussi un élément constitutif de la démocratie.
Charte pour l’innovation, la créativité et le transfert des connaissances : les Droits des citoyens dans l’ère numérique
[larges extraits d’une traduction française remaniée de l’original anglais intitulé : « Charter for Innovation, Creativity, and Access to Knowledge ».]
«Introduction
Nous sommes au milieu d’une révolution dans la façon dont les connaissances et la culture sont créées, consultées et transformées. Les citoyens, les artistes et les consommateurs ne sont plus impuissants et isolés face à des industries de production et distribution de contenus : désormais les individus dans de nombreux domaines différents ont la possibilité de collaborer, de participer et de décider d’une manière directe et démocratique.
La technologie numérique a comblé l’écart, permettant aux idées et aux connaissances de circuler; elle a fait disparaitre bon nombre de barrières géographiques et technologiques au partage. Elle a fourni de nouveaux outils éducatifs et stimule de nouvelles possibilités d’organisation sociale, économique et politique. Cette révolution est comparable aux profonds changements qu’apporta l’invention de l’imprimerie.
En dépit de ces transformations, l’industrie du divertissement, la plupart des fournisseurs de services de communications, les gouvernements et les organismes internationaux tirent profit et pouvoir du contrôle des outils et circuits de distributions de ce qu’ils appellent les « contenus ». Ils présentent cette approche comme le seul modèle possible pour permettre à une société numérique de faire face aux enjeux de la culture. Cela conduit à des restrictions sur les droits des citoyens à l’éducation, à l’accès à l’information, à la culture, à la science et aux technologies, à la liberté d’expression, à l’inviolabilité des communications et de la vie privée, à la liberté de partager.
Politique et implications économiques de la Culture Libre
La culture libre ouvre la possibilité à de nouveaux modèles d’engagement des citoyens dans la mise à disposition collective de biens et de services. Ceux-ci sont fondés sur une approche des « biens communs ». La gouvernance des biens communs valorise la participation, l’inclusion, la transparence, l’égalité d’accès et la pérennité. Cette démarche n’est pas nécessairement liée à l’État ou à d’autres institutions politiques classiques et démontre que la société civile aujourd’hui est une force puissante.
Nous reconnaissons que cette économie sociale est une source importante de la valeur, existant à côté de celle du marché privé. Ces nouveaux biens communs, revitalisés grâce aux technologies numériques (parmi d’autres facteurs), élargissent la sphère de ce qui constitue « l’économie ».
Dans cette charte, nous proposons plusieurs options pour soutenir collectivement la création. Les logiciels libres et à code ouvert (Open Source), Wikipedia, les licences libres et certaines initiatives de publication de livres sont quelques-uns des nombreux exemples qui prouvent que les monopoles de connaissances ne sont pas nécessaires à la production de biens de la connaissance.
Des règles claires doivent exister afin de promouvoir une connaissance publique et partagée, la protégeant de toute tentative d’appropriation exclusive de la part d’individus ou d’entreprises, prévenant ainsi le risque d’émergence de monopoles ou d’oligopoles privés qui se développeraient sur une telle appropriation exclusive. L’ère numérique offre une chance historique de pouvoir renforcer la justice et d’être gratifiante pour tous.
Demandes légitimes
Le comportement conservateur et défensif de la production des droits d’auteur et de l’industrie de la distribution a mené à une situation dans laquelle les auteurs et leur public se sont dressés les uns contre les autres.
Ce conflit bénéficie principalement aux conglomérats de médias et aux organisations gouvernementales en leur donnant le contrôle global sur les flux d’informations au détriment des créateurs et des consommateurs. Ces faiblesses dans la réglementation en vigueur et les traités sont préjudiciables à l’intérêt public et à une industrie moderne dans le contexte d’une culture démocratique. L’intérêt public est servi lorsque l’on soutient la création continue des œuvres de l’esprit – en raison de leur valeur sociale importante – et en s’assurant que tous les citoyens aient un accès sans entrave à ces œuvres destinées à un large éventail d’utilisations.
A. Droits en contexte numérique
Les droits d’auteur, les redevances et les incitations à la créativité ne doivent pas être considérés comme une fin en soi, mais plutôt comme un stimulant de la création et un moyen de promouvoir l’intérêt public.
Le droit de citation
La citation, définie comme l’extraction d’une partie d’une œuvre, doit êtrelibre et permise dans tous les cas comme un support pour ledéveloppement démocratique de la société de l’information. Cette règledoit s’appliquer dans tous les cas où le matériel cité a déjà été rendu publicà l’avance, qu’il soit cité pour des raisons éducatives ou scientifiques, àdes fins purement informatives ou créatives ou pour toute autre fin que cesoit.
Copie privée
Les droits de l’individu dans la sphère privée et pour un usage personnel ne doivent pas être compromis par les droits exclusifs de l’auteur. Quand la reproduction est dans un objectif de partage ou d’utilisation dans la sphère privée, sous réserve qu’aucun bénéfice économique ou commercial ne soit obtenu, elle ne devrait pas nécessiter l’autorisation du titulaire du droit d’auteur et ne pas générer de rémunération. Il ne devrait pas être considéré comme illégal d’avoir une copie privée d’une œuvre.
Les reproductions, sous quelque forme, d’œuvres qui ont déjà été publiées : l’utilisation équitable
Il ne devrait y avoir aucune obligation de demander l’autorisation de l’auteur pour la reproduction ou la diffusion d’œuvres artistiques, scientifiques ou techniques qui ont déjà été présentées publiquement, lorsque l’objectif principal est éducatif, de recherche scientifique, d’information, satirique ou accessoire à l’objectif créatif principal.
La défense du droit à la copie privée et à un usage loyal des œuvres doit être ferme et absolue, étant donné que la copie est la base même de l’apprentissage de la culture. Les auteurs et les créateurs sont redevables à la culture partagée et, pour cette raison, leurs contributions à la culture ne devraient être l’objet d’aucune forme de compensation au-delà de l’utilisation commerciale de leur travail (ventes, taxes et redevances liées aux ventes ou aux spectacles déclarés).
En outre, nous adhérons à la liste d’usages loyaux décrits dans l’article 3-1 des limitations générales et exceptions aux droits d’auteur du document de travail Accès à la connaissance publié en 2005 (Proposal for Treaty of Access to Knowledge – May 10, 2005 Draft).
La liberté d’innover
La liberté et l’innovation ne sont pas opposées et vont même de pair. Les régimes juridiques répressifs qui réduisent la liberté ont également tendance à nuire à l’innovation. Les gens ont besoin de la liberté de changer, modifier, améliorer et tester les inventions, les appareils et systèmes, et de s’engager librement dans un discours critique à l’égard de ces innovations.
B. Stimuler la créativité
Les différences de pouvoir de négociation conduisent toujours à produire des situations injustes. Cela s’applique également aux négociations entre les créateurs individuels et les entités commerciales qui investissent, diffusent ou vendent des biens culturels et des connaissances. Cela mène souvent à ce que de nombreuses œuvres de création soient retirées de l’accès public. Les auteurs et les créateurs devraient être payés équitablement pour les activités dans lesquelles ils s’impliquent, qu’ils soient membres ou non d’une société de gestion collective. Les contrats déloyaux entre les auteurs et les éditeurs ne devraient pas être légitimés par les instances juridiques. Dans les 30 ans de la signature d’un contrat avec un éditeur ou d’un employeur, l’auteur ou ses héritiers doivent avoir la possibilité de se voir rétrocéder les droits sur leur œuvre en vertu du droit d’auteur. Cela ne devrait pas affecter la validité des licences d’utilisation d’œuvres existantes, ou de licences qui permettent le partage d’œuvres accordées au public, y compris celles qui ont des conditions qui protègent les biens communs.
Sociétés de gestion collective
Les auteurs et les créateurs devraient toujours être en mesure de révoquer le mandat desociétés de gestion collective. Les sociétés de perception des redevances sont des entités privées, elles doivent donc être autorisées à ne gérer que les comptes de leurs membres, qui ne sont en aucun cas l’ensemble de la communauté créative. La libre concurrence entre les sociétés de gestion collective devrait être autorisée, comme pour toutes les entités privées.
Les monopoles juridiques pour les sociétés de collecte devraient être abolis. Les auteurs admissibles et les artistes devraient être libres d’inscrire auprès de chaque société les œuvres de leur choix, tout en laissant leurs autres œuvres non enregistrées ou en les enregistrant ailleurs.
Aucune société de collecte ne devrait être autorisée à empêcher les artistes ou les auteurs d’utiliser les licences libres.
Les sociétés privées de gestion collective ne devraient pas gérer les prélèvements non-attribuables. Les montants non-attribuables à des auteurs spécifiques devraient être gérés par l’État dans le but de promouvoir la créativité de la société dans son ensemble.
C. Les Biens communs et le domaine public
Les résultats des travaux et des développements financés par de l’argent public devraient toujours être rendus accessibles à tous en permettant une libre utilisation et une libre distribution, et, ce, dans un format libre ou ouvert. Toutes les utilisations ultérieures et toutes les modifications (à la fois commerciales et non commerciales) doivent respecter la même licence.
La recherche financée par les établissements d’enseignement devrait être publiée avec un mode d’accès qui permette le partage. Lorsque l’État ou des institutions soutenues par l’État possèdent des copies d’œuvres librement disponibles, d’œuvres dont le copyright a expiré, ils doivent les rendre accessibles au public, de sorte qu’elles puissent être copiées, partagées et utilisées sous n’importe quelle forme. Il ne devrait y avoir aucune restriction à la liberté d’accès, de lien, d’indexation de tout travail qui est déjà librement accessible au public en ligne, même s’il n’est pas sous une licence partageable.
Œuvres non protégeables
Il ne devrait y avoir aucun droit d’auteur sur les lois, les rapports gouvernementaux, les documents et discours politiques, ou les informations de conformité règlementaire. Des droits sui generis aux bases de données ne devraient pas être introduits, et devraient être abrogés dans les juridictions où ils existent.
Les œuvres orphelines
Il devrait y avoir la liberté d’utiliser une œuvre protégée si le titulaire du droit d’auteur ne peut pas être trouvé après une recherche menée avec diligence.
D. Défense de l’accès aux infrastructures technologiques et de la neutralité du Net
L’accès à Internet est essentiel à l’apprentissage et pour une application réelle et significative de la liberté d’expression et de communication; par conséquent, la neutralité du Net doit être assurée.
Les citoyens et les consommateurs ont droit à une connexion Internet qui leur permette d’envoyer et de recevoir le contenu de leur choix, d’utiliser des services et d’exécuter des applications de leur choix, de connecter les matériels et d’utiliser les logiciels de leur choix qui ne nuisent pas au réseau. Les fournisseurs d’accès Internet doivent documenter les protocoles qu’ils utilisent pour communiquer avec le client afin que le choix par les clients des logiciels utilisés pour les services Internet ne soit pas restreint par le secret.
Les citoyens et les consommateurs ont droit à une connexion Internet exempte de toute forme de discrimination – sans blocage, limitation ni définition de priorités – à l’égard du type d’application, de service ou de contenu, ou fondée sur la base de l’adresse de l’expéditeur ou du destinataire.
Les adresses IP des citoyens et des consommateurs sont des données potentiellement identifiables, et la personne sujette de ces données a le droit d’y accéder afin de corriger, supprimer ses informations personnelles ou en empêcher le transfert.
Le filtrage des contenus de l’Internet est une menace pour les droits fondamentaux et est une solution non valable, inefficace et disproportionnée dans sa mise en application. Aucune limitation ou filtrage ne devrait être effectuée.
E. Accès aux œuvres pour les personnes avec des handicaps de lecture
Lorsque les œuvres, dans un format accessible pour les personnes handicapées, sont créées avec des restrictions et des exceptions aux droits d’auteur, les systèmes juridiques globaux devraient davantage permettre l’importation et l’exportation transfrontalière de ces œuvres.
F. Test en trois étapes
Dans cette charte, en phase avec un courant pour prévenir de nouvelles érosions du domaine public, nous avons mis au point un test en trois étapes pour préserver nos libertés dans une société de l’information.
L’innovation, la créativité, et l’accès à la connaissance ne peuvent être limités ou entravés que quand et si les trois conditions suivantes sont remplies simultanément:
1. Il existe un intérêt public exceptionnel à les contraindre;
2. Les méthodes utilisées ne portent pas atteinte ou ne sont pas discriminantes à l’égard de l’utilisation, de la transformation et de la diffusion des connaissances, des œuvres de création et d’infrastructures technologiques, des services et des logiciels.
3. Ces restrictions ne violent pas les droits de l’homme et du citoyen dans la société de l’information et ne sont pas incompatibles avec la culture démocratique.
Lignes directrices pour l’éducation et l’accès au savoir
Nous comprenons l’éducation comme un processus social qui implique un large éventail d’acteurs de l’éducation, des technologies, d’entités et d’activités diverses, au-delà des seuls acteurs officiels et de l’éducation formelle. Notre vision de l’éducation est celle d’une éducation qui favorise une culture efficace et durable du partage des connaissances et d’innovation pédagogique.
1. Les éducateurs
L’éducation est un outil fondamental pour améliorer nos sociétés et pour atteindre le progrès humain. Les éducateurs doivent être en mesure d’enseigner aux apprenants au sein d’une culture du partage; c’est à dire d’une culture de l’usage de logiciels libres et ouverts, et plus globalement de la connaissance libre. Ainsi, nous exhortons les institutions éducatives et les communautés à :
● Garantir la formation et le soutien technique des éducateurs pour l’usage de logiciels libres et ouverts et de ressources pédagogiques partageables.
● Assurer aux éducateurs qu’ils soient à même de consacrer une partie de leur temps à l’apprentissage, la mise à jour, la création et au partage des ressources éducatives.
● De mettre en place de nouvelles communautés d’éducateurs pour l’échange de connaissances et d’expériences et de mettre en relation ceux qui existent déjà.
2. Appui et sensibilisation
L’imitation est le point de départ pour l’apprentissage. La duplication et le partage des connaissances sont donc deux des principes fondateurs de tout processus éducatif. La culture du partage embrasse ces principes plutôt qu’elle ne les décourage.
Ainsi, nous exhortons les institutions éducatives et les communautés à utiliser du matériel éducatif mis à disposition sous licence libre, ainsi qu’à publier du matériel de ce genre.
3. Matériel éducatif
Les ressources éducatives sont un outil d’éducation de base; leur publication partageable dans le domaine public ou sous licence libre facilite l’accès, incite à l’amélioration et à la participation et prend en compte les diversités culturelles, tout en maximisant la réutilisation et l’efficacité.
Ainsi, nous exhortons les institutions éducatives et les communautés à utiliser et à produire des matériels éducatifs mis à la disposition du public en licence libre.
La distribution devrait se dérouler:
● À travers Internet, en utilisant des lieux de dépôt biens structurés, conformes aux standards ouverts et d’usage facile.
● Par l’impression de copies physiques (par exemple en utilisant les éditeurs universitaires deja existants), en les mettant à disposition dans les bibliothèques publiques et pour les personnes financièrement défavorisées.
● Grâce à la traduction et la localisation de ces documents dans les langues différentes, afin d’atteindre la population mondiale la plus large possible.
4. Logiciels et autres outils
Les logiciels libres permettent aux gens d’interagir pendant qu’ils étudient et apprennent. Les logiciels libres ne sont pas fondés sur un modèle passif ; ils permettent aux personnes d’interagir avec les outils qu’ils utilisent, car ils permettent d’interagir avec le code, pour étudier et apprendre le code, ainsi que d’utiliser leurs fonctionnalités.
Dés lors, nous déclarons que l’utilisation de standards ouverts et de formats ouverts est essentielle pour assurer l’interopérabilité technique, fournir des conditions de concurrence équitables pour les fournisseurs en compétition, et pour permettre un accès transparent au savoir et à la mémoire sociale, maintenant et dans l’avenir.
Les établissements d’enseignement devraient utiliser les logiciels libres comme un outil d’apprentissage, en tant que sujet d’étude en soi et comme la base de leur infrastructure informatique.
Tous les logiciels développés avec des financements publics dans ou pour un environnement éducatif doivent être diffusés sous licence libre.
L’utilisation des logiciels libres devrait être encouragée dans les établissements scolaires comme une alternative aux logiciels propriétaires (calcul numérique, de retouche d’image, de composition de documents, etc.).
Les entités d’enseignement devraient développer, réaliser et promouvoir la publication d’outils d’édition libres pour le matériel didactique.
Les technologies de verrouillage numériques doivent être rejetées, afin de garantir l’accès permanent à des ressources pédagogiques et de permettre un apprentissage tout au long de la vie.
5. Reconnaissance et certification
Alors que de nouvelles formes de productions collectives se propagent au sein du système éducatif, les processus d’accréditation et de certification doivent reconnaitre les compétences et les expériences acquises de cette façon. Nous exhortons donc les établissements d’enseignement et les autorités à :
● Créer des mécanismes de certification afin de reconnaitre une culture du partage et de l’éducation partageable au sein du système éducatif.
● Intégrer ces nouvelles pratiques aux programmes officiels d’enseignement existants.
● Adapter les politiques scientifiques traitant de la recherche afin qu’elles reconnaissent les avantages de l’accès aux revues partageables et à l’auto-archivage, afin de renforcer la dynamique du débat scientifique et la qualité des critiques.
6. Éducation par les pairs et collaboration entre éducateurs et apprenants
Les barrières entre les apprenants et les enseignants sont abaissées, et des nouvelles formes d’éducation prennent forme. Les communautés ouvertes et l’implication dans des processus de production « pair à pair » apportent une valeur considérable à l’apprentissage. Nous exhortons donc les établissements d’enseignement et les communautés à :
● Intensifier le travail collaboratif entre enseignants et étudiants dans la production de connaissances.
● Encourager l’implication des étudiants dans la collaboration apprenante avec leurs pairs.
● Partager la valeur des contributions entre les éducateurs et les étudiants.
● Promouvoir le travail collaboratif et interdisciplinaire entre les éducateurs de différents domaines.
7. Sciences et connaissances académiques
Les publications d’accès partageable assurent l’accès aux résultats de la recherche scientifique, tant pour les scientifiques que pour le grand public; elles renforcent les possibilités d’apprentissage et permettent à diverses disciplines de recherche de rester informées de leurs résultats respectifs.
Dès lors, nous déclarons que:
● Les universités et les centres de recherche devraient adopter le modèle d’accès partageable pour la publication des résultats de recherche. Ces résultats devraient être accessibles d’une façon directe et anonyme pour le grand public.
● Les demandes de brevets pour les résultats de la recherche publique ne devraient pas être encouragées. Les brevets détenus par les institutions publiques devraient être libérés sous format libre de manière irrévocable et sans aucune autre restriction.
Administration publique
Le secteur public, les projets publiquement financés , les systèmes que les citoyens sont tenus par la loi d’utiliser, et les systèmes dont l’usage touche aux droits fondamentaux, devraient toujours utiliser des logiciels libres et des standards ouverts.
Quand une solution libre ou un standard ouvert n’existe pas, le gouvernement ou l’institution publique correspondante doit favoriser le développement des logiciels requis. Jusqu’à leur développement, seules des solutions publiquement contrôlables doivent être utilisées afin de garantir le processus démocratique général.
Les résultats des développements financés par de l’argent public doivent toujours être sous une licence libre et tout brevet lié doit être libéré dans des conditions libres de droits et libres de toute restriction.
Les gouvernements doivent garantir un accès à Internet libre et non exclusif à chaque citoyen, indépendamment de son lieu de résidence (au moins au niveau requis pour exercer ses droits de citoyen, prendre part au processus démocratique et être en relation avec les institutions publiques).
En ce qui concerne les processus d’évaluation et d’achat des logiciels dans l’administration publique
Les achats publics de logiciels doivent évaluer le coût total de leur utilisation, y compris le coût imputable à la cessation de leur utilisation et à la migration vers un logiciel alternatif. La comptabilité publique doit faire une distinction claire entre les coûts de licences de logiciels, la maintenance, le support et les services, de façon distincte des coûts de matériel. »
Ainsi, constituée de propositions programmatiques parfois utopistes, parfois apparemment réalisables, la charte agit, selon nous, comme un révélateur de principes et de tendances sous-jacents au mouvement des logiciels libres. On pourra y adhérer ou prendre ses distances, critiquer tel ou tel élément ou sa philosophie d’ensemble, ce faisant, néanmoins, on participera à un débat public et éclairé, atteignant ainsi un des objectifs du mouvement des logiciels libres. Enfin, qu’on soit d’accord ou non, il y a là une occasion de réflexion sur nos pratiques à saisir et une occasion de commenter dans le blogue à ne pas rater 🙂
Pour alimenter la discussion…
Que pensez-vous du « libre » ? Utilisez-vous des logiciels libres ? Logiciels et licences de différentes natures (libres et non libres) peuvent-ils cohabiter dans une même institution d’enseignement ? Sur quels points vous distanceriez-vous de cette charte ? Dans quelle mesure êtes-vous favorable à une culture du partage et de l’accès à la connaissance ?
Pierre Cohen-Bacrie
Conseiller pédagogique responsable des TIC
Collège Montmorency
Une version de cet article a paru en 2011 dans l’Inter@ction.
br /p
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