Contraints de fermer pour éviter la contagion, les collèges et universités sont confrontés au besoin de mettre des cours ou des parties de cours en ligne, de manière asynchrone (en différé) ou synchrone (en direct). Il existe des solutions libres pour ce faire, mais, faut-il s’en étonner, l’engouement pour des solutions non libres développées par des multinationales prédomine.
Diffusion asynchrone
La diffusion asynchrone se fait largement par un Environnement numérique de travail (ENA) libre ou open source, comme Moodle, utilisé, notamment, par la plateforme collégiale DECclic, par l’Université du Québec à Montréal et, sous le nom de Studium, par l’Université de Montréal.
On doit se féliciter qu’une solution libre mutualisée réponde ainsi aux besoins de milliers de professeurs et d’étudiants.
Or, il est utile de recourir, parallèlement, à la diffusion synchrone, pour diffuser un cours en direct ou pour permettre aux apprenants de poser des questions et de bénéficier des réponses à distance, comme dans une salle de classe.
Il se trouve que Moodle permet d’intégrer un lien personnalisé et sécurisé pour ce faire, avec un système libre ou open source de communication vidéo en direct, développé au Canada, qui a pour nom BigBlueButton.
Diffusion synchrone
BigBlueButton peut être employé avec Moodle (c’est le plus utile dans une université ou un collège) ou seul, pour de la visioconférence en petit groupe ou en groupe pouvant aller jusqu’à 100 participants. Le tout peut être enregistré.
On comprend que des établissements ou même le réseau cherchent à unir leurs efforts pour offrir une solution de diffusion synchrone, en direct. De son côté, Microsoft met en avant sa solution non libre, MS Meetings. Certains établissements préfèrent une autre solution non libre, telle que Zoom.
On peut s’étonner que BigBlueButton, solution libre et open source de communication synchrone développée au Canada ne retienne pas davantage l’attention.
Rappel de la loi
Il y a pourtant obligation de considérer le logiciel libre :
Loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement – Article 7, alinéa 8 : « Que les organismes publics considèrent les logiciels libres au même titre que les autres logiciels. ».
Et il existe plusieurs solutions libres de visioconférence qui présentent de multiples avantages au plan de la sécurité des données et de l’éthique d’utilisation dans un contexte éducatif qui respecte la vie privée.
Installées sur un serveur local ou mutualisé, avec un code source ouvert et un processus transparent, ces solutions libres réunissent des conditions gagnantes pour être le premier choix.
Quelles solutions libres de visioconférence pour l’enseignement supérieur?
Nous avons nommé BigBlueButton, on y reviendra. Il y a aussi Jitsi Meet, qui, employé seul en infonuagique, peut dépanner bien des équipes ou encore être employé intégré à Openfire Meetings pour desservir des classes.
Par ailleurs, pour la visioconférence en petit nombre, il y a aussi Jami, solution libre qui est développée au Québec.
Incidemment, ces solutions libres sont incluses dans la liste des quelque 45 logiciels libres recommandés par l’Adte pour l’enseignement supérieur. On ne pourra pas dire : “on ne savait pas”.
Un double langage ?
Alors que le gouvernement prend des mesures pour sauver des entreprises et les aider à traverser cette crise qui entraîne la fermeture physique des établissements d’enseignement supérieur, il est contradictoire que des établissements et des organismes parapublics, cédant au chant des sirènes du marketing, s’apprêtent à privilégier une solution non libre développée par une multinationale.
Une leçon pour l’avenir
On peut comprendre que, débordées, dans l’urgence, des équipes informatiques de l’enseignement supérieur choisissent provisoirement la solution qu’elles ont sous la main.
Mais cela ne fait que souligner l’impréparation et le désintérêt affiché par rapport au logiciel libre, car les solutions libres existantes devraient faire l’objet d’études et d’essais en permanence, afin de constituer une alternative connue et ainsi de permettre d’appliquer pleinement la loi qui prévoit de considérer le logiciel libre lors de toute décision d’acquisition de logiciel ou d’abonnement à un service logiciel.
Il est plus que temps que des projets-pilotes d’emploi du logiciel libre, appuyés par le ministère, voient le jour. Il est possible de contrebalancer le pouvoir de l’argent des multinationales par un effort de volonté et de clairvoyance, pas par l’apathie, la passivité, la phobie du changement et l’ignorance volontaire.
BigBlueButton et Moodle en Chine
Pour revenir à BigBlueButton, cette solution libre, open source, canadienne, de visioconférence synchrone pour la classe, couplée à Moodle, a été adoptée par une université chinoise, située à 60 km de Shanghai, qui a pu ainsi dispenser ses cours pendant la fermeture physique.
Pour ce faire, l’équipe de développement de BigBueButton a créé Scalelite, “an open source load balancer for BigBlueButton“.
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“Each BigBlueButton server can handle about 250 simultaneous users spread across multiple sessions. We recommend no individual session exceed 100 users.
With Scalelite, a school can create a pool of 4 BigBlueButton servers, for example, and handle 1,000 simultaneous students, such as 16 simultaneous classes of 50 users. To scale higher, add more BigBlueButton servers to the pool.
With Moodle + Scalelite + BigBlueButton, you have a full open source solution to run a school online.” , écrit à l’Adte Fred Dixon, coordonnateur du développement de BigBlueButton.
Conclusion
Nous savons combien sont dévoués et animés de bonnes intentions les cadres, professionnels et fonctionnaires du ministère de l’Éducation et de l’enseignement supérieur, et des établissements collégiaux et universitaires. Le but de cet article n’est pas de critiquer, mais bien de tirer une sonnette d’alarme.
Il convient de tenir ensemble la nécessité de l’urgence et l’orientation à moyen et long terme pour créer les conditions de la considération de solutions logicielles libres dans le meilleur intérêt de l’enseignement supérieur et, incidemment, dans le respect, non seulement de la lettre, mais de l’esprit de la loi.
Pierre Cohen-Bacrie
vice-président de l’Adte
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